Journée Nationale du Télétravail : juste une facette du travail flexible

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Philippe Rogge, General Manager de Microsoft Belux, « Les conséquences de la forme actuelle de la pyramide des âges est claire : les entreprises doivent mettre tout en oeuvre pour garder plus longtemps les seniors dans l’organisation et conserver ainsi leurs connaissances, leur mémoire et leur savoir-faire. D’autre part elles doivent attirer les nouveaux talents" |
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Jean-Claude Vandebosch (Getronics) : '35 % de rendement sur le capital investi. Essayez donc d’obtenir cela dans une banque de nos jours !'
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Aujourd'hui, pour la deuxième année, quatre entreprises belges organisent à l’échelon du pays la « Journée Nationale du Télétravail en Belgique ». Mais ce mot de télétravail est surtout un emblème ou un slogan. Car les enjeux et les projets qui sous-tendent cette action de sensibilisation dépassent largement la simple notion de travail à distance, surtout si on la restreint à un seul de ses aspects, le travail à domicile. En réalité, il s’agit de faire passer dans les entreprises une culture fondamentalement différente du travail, de son organisation, de sa localisation, de son contrôle. On parle ici beaucoup plus largement du concept de « travail flexible » ou mieux, de « Nouveau Travail ». Le jargon anglo-saxon du monde du business a consacré l’expression « New World Of Work » – NWOW. Concrètement, il s’agit de repenser le travail de manière à pouvoir répondre à certains défis qui s’annoncent : économiques (difficulté de recrutement et chasse aux talents), démographiques (réduction de la population active), sociétaux (difficultés croissantes de mobilité, coût croissant des déplacements) et sociologiques (émergence d’une génération « Y » aux attentes et aux comportements d’apprentissage et de collaboration différents).
Point d’inflexion en 2010
Le NWOW nous est présenté comme une nouveauté alors qu’il s’agit plus bien d’une évolution des pratiques de télécollaboration, qui a commencé avec l’apparition du fax, si ce n’est du téléphone ou de l’imprimerie. Mais il faut reconnaître que l’évolution des pratiques a pris un coup d’accélérateur récemment, et ce point d’inflexion, ce « momentum » peut être considéré comme une date de naissance pour le « Nouveau Travail ». En 2010 en effet, pour la première fois, le taux de renouvellement de la population belge active est tombé sous le seuil de 100 %. Mais ce n'est pas le seul facteur en cause. Selon Philippe Rogge, General Manager de Microsoft Belux, « cette émergence est due à la conjonction de trois facteurs : un facteur technologique, la disponibilité du haut débit, du service et de la connectivité, la portabilité des systèmes et des appareils ; un facteur sociologique, l’émergence de la génération Y. Contrairement à ma génération, qui a fait ses études dans la solitude, le silence et la pénombre, celle-ci se forme et travaille sur un mode « fun », social, en restant entouré de ses contacts sociaux, et en pratiquant le multi-tasking : on suit un cours en même temps que l’on communique sur Facebook, on assiste à une conférence en interagissant avec le conférencier sur un tweet wall. Une forme d’attention flottante… Le troisième facteur est économique. Les conséquences de la forme actuelle de la pyramide des âges est claire à ce sujet : les entreprises doivent mettre tout en oeuvre pour garder plus longtemps les seniors dans l’organisation et conserver ainsi leurs connaissances, leur mémoire et leur savoir-faire. D’autre part elles doivent attirer les nouveaux talents et même éviter leur fuite à l’étranger. Pour y parvenir, les entreprises doivent offrir aux uns et aux autres de bonnes raisons de rester ou de venir : pour les uns, des aménagements du mode de travail vers plus de confort, de facilité. Pour les autres, un type de management et des équipements qui répondent à leur manière d’être, de vivre et de travailler. »
La Belgique est plutôt à la traîne à ce sujet si l’on en croit les statistiques présentées par les quatre entreprises partenaires de l’opération : AOS Studley, Getronics, Microsoft et PWC. Avec 72% des Belges qui sont autorisés à travailler régulièrement de manière flexible, la Belgique se classe 13e rang sur 15 au niveau européen (enquête dans 15 pays européens et exécutée par un bureau de recherche indépendant à la demande de Microsoft). Bonne nouvelle toutefois, selon cette enquête, les PME semblent être très ouvertes à la flexibilité au travail.
Nouvelle culture de la confiance et de la responsabilité
Jean-Claude Vandebosch (Getronics) : « Le management doit passer d’une mentalité “command & control” à une culture de la confiance mutuelle et de la responsabilisation ; d’une évaluation basée sur l’input (combien d’heures de présence ?) à une évaluation basée sur l’output (quels résultats par rapport à des objectifs fixés). Le bureau n’est plus un lieu de travail mais un lieu de rencontre. » C’est pourquoi Getronics n’offre plus de bureaux à ses collaborateurs, mais des salles de réunion et des « clusters », des grappes de postes de travail temporaires. La prestation effective du travail peut, elle, avoir lieu n’importe où et n’importe quand. Là et quand c’est le plus pratique ou le plus agréable.
C’est à l’occasion d’un déménagement, voici un an, que Getronics a implanté la culture et l’organisation NWOW dans sa nouvelle implantation de Diegem, ce qui lui a valu le « Best FM project of the Year 2011 » un award délivré par l’IFMA. Depuis, Getronics accueille en moyenne trois entreprises par semaine pour une visite d’information et de benchmarking sur le nouveau travail.
Au SPF Sécurité Sociale, l’adoption de la culture de la confiance et de la responsabilisation est un succès complet : « Nous avons 22 personnes en situation administrative de prendre leur retraite et qui ne partent pas car elles aiment trop leur vie professionnelle (leur vie tout court ?) dans ce nouveau contexte, explique Laurence Vanhee. Nous avons le plus bas taux de turn-over de tous les SPF et le nombre de candidatures spontanées le plus élevé de tous les SPF. Cela fonctionne jusqu’au petit économat, la fourniture de petits équipements de bureaux qui sont désormais mis à disposition sans contrôle : la consommation a baissé de 35 %.»
A l’évidence, « cela se sait » parmi les personnes en recherche d’emploi ou de nouvel emploi, et le NWOW démontre ainsi son pouvoir d’attraction.
Jeroen Govers (AOS) : « Nous sommes contactés de plus en plus souvent par des entreprises qui souhaitent passer à ce mode d’organisation. La conception des locaux s’en ressent évidemment très fort, de même que la surface nécessaire, fortement réduite. Nous pouvons bien entendu accompagner efficacement les entreprises dans cette démarche et elles ne doivent pas nécessairement le faire à l’occasion d’un déménagement. »
Communiquer, former, écouter, montrer l’exemple
Les clés du succès pour passer au NWOW, selon Isabelle de Weirdt (Getronics) : « Un engagement complet du management et son implication personnelle : si plus personne n’a de bureau fixe, le patron non plus. Un gros effort de communication, de formation et d’écoute des inquiétudes et des demandes. Si cela est réalisé, les résistances sont limitées et elles ne sont pas liées à l’âge des personnes. Plutôt à leur type de personnalité ou à leur situation familiale. »
On constate ainsi, contrairement aux présupposés, que les jeunes mères de famille ne sont pas plus demandeuses (et même plutôt moins) de homeworking. Au contraire, le fait de se rendre au bureau leur rend de la qualité de vie sociale. De même les personnalités introverties sont moins demandeuses de télétravail car elles savent qu’elles ont plus de difficultés à dépasser spontanément le seuil d’effort qu’il faut pour prendre contact. Un effort qu’elles n’ont pas à faire dans un environnement de bureau classique.
Attention donc aux idées reçues et aux préjugés. Passer au NWOW est un processus pour lequel il faut s’entourer mais où le ROI est très intéressant. « Dans notre cas, 32 mois ou exprimé autrement 35 % du capital investi. Essayez donc d’obtenir cela dans une banque de nos jours ! Il m’a fallu 7 minutes d’entretien pour obtenir l’accord de mon général manager aux Pays-Bas », conclut Jean-Claude Vandebosch.
Patrick Bartholomé
Co-rédacteur en chef
Profacility Magazine
Edition française
Point d’inflexion en 2010
Le NWOW nous est présenté comme une nouveauté alors qu’il s’agit plus bien d’une évolution des pratiques de télécollaboration, qui a commencé avec l’apparition du fax, si ce n’est du téléphone ou de l’imprimerie. Mais il faut reconnaître que l’évolution des pratiques a pris un coup d’accélérateur récemment, et ce point d’inflexion, ce « momentum » peut être considéré comme une date de naissance pour le « Nouveau Travail ». En 2010 en effet, pour la première fois, le taux de renouvellement de la population belge active est tombé sous le seuil de 100 %. Mais ce n'est pas le seul facteur en cause. Selon Philippe Rogge, General Manager de Microsoft Belux, « cette émergence est due à la conjonction de trois facteurs : un facteur technologique, la disponibilité du haut débit, du service et de la connectivité, la portabilité des systèmes et des appareils ; un facteur sociologique, l’émergence de la génération Y. Contrairement à ma génération, qui a fait ses études dans la solitude, le silence et la pénombre, celle-ci se forme et travaille sur un mode « fun », social, en restant entouré de ses contacts sociaux, et en pratiquant le multi-tasking : on suit un cours en même temps que l’on communique sur Facebook, on assiste à une conférence en interagissant avec le conférencier sur un tweet wall. Une forme d’attention flottante… Le troisième facteur est économique. Les conséquences de la forme actuelle de la pyramide des âges est claire à ce sujet : les entreprises doivent mettre tout en oeuvre pour garder plus longtemps les seniors dans l’organisation et conserver ainsi leurs connaissances, leur mémoire et leur savoir-faire. D’autre part elles doivent attirer les nouveaux talents et même éviter leur fuite à l’étranger. Pour y parvenir, les entreprises doivent offrir aux uns et aux autres de bonnes raisons de rester ou de venir : pour les uns, des aménagements du mode de travail vers plus de confort, de facilité. Pour les autres, un type de management et des équipements qui répondent à leur manière d’être, de vivre et de travailler. »
La Belgique est plutôt à la traîne à ce sujet si l’on en croit les statistiques présentées par les quatre entreprises partenaires de l’opération : AOS Studley, Getronics, Microsoft et PWC. Avec 72% des Belges qui sont autorisés à travailler régulièrement de manière flexible, la Belgique se classe 13e rang sur 15 au niveau européen (enquête dans 15 pays européens et exécutée par un bureau de recherche indépendant à la demande de Microsoft). Bonne nouvelle toutefois, selon cette enquête, les PME semblent être très ouvertes à la flexibilité au travail.
Nouvelle culture de la confiance et de la responsabilité
Jean-Claude Vandebosch (Getronics) : « Le management doit passer d’une mentalité “command & control” à une culture de la confiance mutuelle et de la responsabilisation ; d’une évaluation basée sur l’input (combien d’heures de présence ?) à une évaluation basée sur l’output (quels résultats par rapport à des objectifs fixés). Le bureau n’est plus un lieu de travail mais un lieu de rencontre. » C’est pourquoi Getronics n’offre plus de bureaux à ses collaborateurs, mais des salles de réunion et des « clusters », des grappes de postes de travail temporaires. La prestation effective du travail peut, elle, avoir lieu n’importe où et n’importe quand. Là et quand c’est le plus pratique ou le plus agréable.
C’est à l’occasion d’un déménagement, voici un an, que Getronics a implanté la culture et l’organisation NWOW dans sa nouvelle implantation de Diegem, ce qui lui a valu le « Best FM project of the Year 2011 » un award délivré par l’IFMA. Depuis, Getronics accueille en moyenne trois entreprises par semaine pour une visite d’information et de benchmarking sur le nouveau travail.
Au SPF Sécurité Sociale, l’adoption de la culture de la confiance et de la responsabilisation est un succès complet : « Nous avons 22 personnes en situation administrative de prendre leur retraite et qui ne partent pas car elles aiment trop leur vie professionnelle (leur vie tout court ?) dans ce nouveau contexte, explique Laurence Vanhee. Nous avons le plus bas taux de turn-over de tous les SPF et le nombre de candidatures spontanées le plus élevé de tous les SPF. Cela fonctionne jusqu’au petit économat, la fourniture de petits équipements de bureaux qui sont désormais mis à disposition sans contrôle : la consommation a baissé de 35 %.»
A l’évidence, « cela se sait » parmi les personnes en recherche d’emploi ou de nouvel emploi, et le NWOW démontre ainsi son pouvoir d’attraction.
Jeroen Govers (AOS) : « Nous sommes contactés de plus en plus souvent par des entreprises qui souhaitent passer à ce mode d’organisation. La conception des locaux s’en ressent évidemment très fort, de même que la surface nécessaire, fortement réduite. Nous pouvons bien entendu accompagner efficacement les entreprises dans cette démarche et elles ne doivent pas nécessairement le faire à l’occasion d’un déménagement. »
Communiquer, former, écouter, montrer l’exemple
Les clés du succès pour passer au NWOW, selon Isabelle de Weirdt (Getronics) : « Un engagement complet du management et son implication personnelle : si plus personne n’a de bureau fixe, le patron non plus. Un gros effort de communication, de formation et d’écoute des inquiétudes et des demandes. Si cela est réalisé, les résistances sont limitées et elles ne sont pas liées à l’âge des personnes. Plutôt à leur type de personnalité ou à leur situation familiale. »
On constate ainsi, contrairement aux présupposés, que les jeunes mères de famille ne sont pas plus demandeuses (et même plutôt moins) de homeworking. Au contraire, le fait de se rendre au bureau leur rend de la qualité de vie sociale. De même les personnalités introverties sont moins demandeuses de télétravail car elles savent qu’elles ont plus de difficultés à dépasser spontanément le seuil d’effort qu’il faut pour prendre contact. Un effort qu’elles n’ont pas à faire dans un environnement de bureau classique.
Attention donc aux idées reçues et aux préjugés. Passer au NWOW est un processus pour lequel il faut s’entourer mais où le ROI est très intéressant. « Dans notre cas, 32 mois ou exprimé autrement 35 % du capital investi. Essayez donc d’obtenir cela dans une banque de nos jours ! Il m’a fallu 7 minutes d’entretien pour obtenir l’accord de mon général manager aux Pays-Bas », conclut Jean-Claude Vandebosch.
Patrick Bartholomé
Co-rédacteur en chef
Profacility Magazine
Edition française
