De spécialiste IT à facility manager
« J’ai débuté ma carrière en tant que spécialiste IT à la VUB », lance Serge Gilen. « D’abord au service IT central, puis à la bibliothèque universitaire. » Pendant quatorze ans, il a travaillé comme administrateur système et développeur sur le système de bibliothèque VUBIS, qui a ensuite évolué vers V-Smart. « Ce système est toujours utilisé. À l’époque, nous avions notre propre logiciel, développé avec l’Université d’Eindhoven aux Pays-Bas et notre partenaire commercial GEAC (Global Education Advisory Consortium). C’était une approche unique. »
Des bits et des octets à la stratégie
Au fil des ans, Serge Gilen a appris à connaître l’université sur le bout des doigts. « J’avais une bonne connaissance des processus techniques, mais aussi du fonctionnement de l’organisation. Cela m’a énormément aidé par la suite. » Après son passage à la bibliothèque, il est devenu analyste métier pour les affaires éducatives. « Je traduisais les besoins éducatifs en solutions informatiques, du programme d’études à la gestion des examens. » Il a notamment contribué à la mise en œuvre de la plateforme étudiante PeopleSoft, qui est encore l’épine dorsale administrative de l’encadrement étudiant. Mais après vingt ans dans les TIC, il a ressenti le besoin de passer à autre chose. « J’en avais un peu assez », avoue-t-il. « Je voulais faire quelque chose de plus palpable. » Lorsque le poste de gestionnaire facilitaire s’est libéré, il a saisi l’occasion. « Le responsable de l’époque partait à la retraite. Nous avons discuté et j’ai franchi le pas. » Serge Gilen a entamé sa nouvelle fonction en 2012.
À son arrivée, la gestion facilitaire reposait sur quatre piliers : le soutien audiovisuel, la surveillance, le nettoyage et la gestion des locaux. « Il y avait aussi un service de clés, au sens littéral du terme, avec des clés physiques. Mais cela a rapidement changé. » Le changement s’est concrétisé par la mise en place d’un contrôle d’accès numérique. « Nous avions cinq systèmes numériques différents et deux plans de clés mécaniques. C’était un véritable casse-tête, un défi en termes de gestion et de surveillance », se souvient-t-il. « En 2015, il a été décidé de passer à une plateforme numérique globale unique. Cela s’est fait progressivement. La VUB a opté pour le système Salto, aujourd’hui intégré dans les projets de nouvelle construction comme les résidences étudiants et le nouveau Learning & Innovation Center. « Les étudiants peuvent y accéder à l’aide de leur téléphone portable grâce à la Salto Mobile Key via l’application Roamer X. C’était un élément crucial dans le cadre du projet mené avec notre homologue francophone, l’ULB. Nous avons pu offrir aux personnes externes un accès sécurisé aux bâtiments partagés. »
Bond numérique
Outre l’accès, l’enseignement a été numérisé. « Quand j’ai commencé, il y avait des rétroprojecteurs et des tableaux noirs dans les salles de classe. PowerPoint était alors révolutionnaire et les tableaux blancs faisaient leur apparition », se souvient-il. La pandémie de coronavirus a accéléré le mouvement. « Du jour au lendemain, les cours ont dû être dispensés en ligne. Nous ne disposions qu’un nombre limité de salles d’enregistrement mais nous avons soudainement dû fournir cette infrastructure à l’ensemble de l’université. Après la crise sanitaire, un autre bouleversement s’est produit : l’enseignement hybride. Nous ne sommes jamais revenus à une occupation complète des salles de classe, car les possibilités de travail interactif se sont multipliées, dans les locaux et les établissements. Sans la pandémie, nous n’aurions jamais pu franchir ce cap aussi rapidement, et les ressources nécessaires n’auraient pas été disponibles à court terme. Aujourd’hui, nous en récoltons les fruits. La VUB dispose d’une solide infrastructure audiovisuelle, sur laquelle nous pouvons nous appuyer. Nos techniciens, autrefois installateurs de câbles, sont devenus de véritables professionnels de l’informatique. Ils programment, conçoivent des mises en page, gèrent le contenu des enregistrements et surveillent à distance les microphones et les écrans dans les salles de classe. C’est un profil complètement différent de celui d’il y a dix ans. »
Caméras intelligentes et campus sécurisés
La VUB a également subi une métamorphose en matière de sécurité. « Lorsque je suis arrivé dans la salle de contrôle en 2012, j’ai été impressionné par le nombre d’écrans : 5 systèmes pour l’accès, un grand système administratif et la gestion vidéo. Nous avions des systèmes distincts pour les clés, les caméras et les alarmes. Rien n’était intégré. Aujourd’hui, tout fonctionne dans un écosystème numérique. Nous utilisons des caméras intelligentes qui signalent toute anomalie, comme une porte restée ouverte ou un mouvement dans une zone interdite. La surveillance est plus efficiente. » Au fil des ans, l’université n’a cessé de s’agrandir. « Il fallait constamment ajouter des nouveaux bâtiments et des zones au système. Nous atteignons progressivement un nouveau point de saturation. Devons-nous envisager des méthodes plus intelligentes, éventuellement à l’aide de l’IA, pour nous soulager ? Devons-nous réorganiser nos tâches? Répondre à la croissance de la VUB reste un défi. » En outre, l’ouverture du campus demeure une préoccupation, surtout dans le contexte géopolitique actuel. « Tout le monde peut entrer librement. C’est pourquoi nous travaillons désormais avec un zonage : des parties publiques et privées dans les bâtiments, dont l’accès est contrôlé à l’aide d’un badge du personnel ou une carte étudiant. Cela renforce la sécurité sans compromettre notre culture d’ouverture. Les collaborateurs et les étudiants doivent pouvoir travailler et faire de la recherche dans un environnement sûr, mais il est sociétalement important de protéger les connaissances et les ressources de l’établissement contre toute utilisation abusive. »
D’un chariot de nettoyage à l’analyse de données
La numérisation s’étend au nettoyage et à la gestion des déchets. « Avant, nous travaillions avec des listes papier. Aujourd’hui, nous utilisons des tablettes », explique Serge Gilen. « Cela nous permet d’obtenir des résultats immédiats sur les fractions de déchets traitées et d’être très réactifs. Nous collectons des données sur l’occupation, la pollution et le climat, ce qui nous aide à mieux planifier. Depuis l’émergence du travail hybride, cette approche est devenue cruciale. Le lundi et le vendredi, de nombreux bureaux sont vides, tandis que le mardi et le jeudi, ils sont bondés. Nous analysons les données d’occupation pour organiser le nettoyage de manière flexible. Il s’agit surtout d’éviter les interventions inutiles et de déterminer la fréquence du nettoyage. Nous cherchons à optimiser l’usage de l’administration centrale et des espaces flexibles, tout en favorisant une collaboration transversale entre les services, afin de réduire les espaces décentralisés. Nous ne nettoyons que là où c’est nécessaire. Cela requiert une technologie capable, par exemple, de surveiller l’occupation des espaces flexibles et de la corréler au degré de salissure, lui-même influencé par les conditions climatiques. Nous utilisons ces données pour planifier nos services de nettoyage. Ce changement implique un effort organisationnel de la part des collaborateurs et des services. Nous devons aborder ce processus de transformation ensemble. » Les services de nettoyage collaborent déjà avec le service Prévention et Environnement. « Nous essayons de réduire les déchets, nous adoptons une approche circulaire et nous sensibilisons les étudiants. Nous développons des projets, notamment avec les restaurants étudiants et nous fournissons des gobelets réutilisables. »
L’hospitalité, nouveau pilier
En 2024, le service facilitaire a lancé les Hospitality Services. « Nous avons constaté que les gens avaient besoin de plus que de simples installations. Ils veulent se sentir les bienvenus », explique Serge Gilen. « Nos équipes Hospitality accueillent les visiteurs, les assistent pour le catering et veillent à ce que les espaces soient agréables. » Les chambres d’hôtes font leur grand retour. « Nous proposons un hébergement temporaire aux professeurs et aux chercheurs invités. Auparavant, chaque département devait s’en charger, en contactant des hôtels externes. Aujourd’hui, nous centralisons cette tâche. Nous offrons ainsi une solution complète: travailler, se réunir et séjourner sur le campus. » Hospitality Services gère les salles de réunion et les espaces événementiels centraux. « Tout est une question de bien-être et de confort. Cela contribue aussi à ramener les gens sur le campus en cette période de télétravail. »
Réalité financière
Mais tout n’est pas rose pour autant. Bien que l’université ne cesse de croître, son financement ne suit pas, bien au contraire. Dans sa déclaration de septembre, le gouvernement flamand a annoncé des mesures d’austérité drastiques. « La VUB doit réduire la voilure de 15 millions par an », s’inquiète Serge Gilen. « Cela représente une part considérable de nos ressources. L’année à venir sera donc principalement consacrée à l’optimisation. Nous devons surveiller nos dépenses, travailler plus intelligemment, optimiser et numériser davantage, peut-être même avec l’aide de l’IA. » Selon Serge Gilen, le sentiment général est celui d’un blocage. « Cette décision politique entraîne des défis supplémentaires. Notre branche internationale est supprimée, le financement des étudiants non ressortissants de l’EER dans l’Enseignement supérieur est limité à 2%. Il va falloir se serrer la ceinture, ce qui implique de revoir certaines choses. Nous en discutons. » Il espère éviter les licenciements. « L’enseignement et la recherche demeurent nos missions principales. Nous examinons les activités réellement essentielles, ce que nous pouvons reporter ou organiser différemment. Espérons que nous n’aurons pas à réduire nos effectifs. »
La résilience en temps de crise
Le métier de responsable facilitaire est de toute évidence imprévisible. « Vous connaissez votre planning mais vous ne savez jamais comment la journée va se dérouler. Nous avons ainsi dû faire face à l’occupation des sans-papiers, aux manifestations pro-palestiniennes et à la crise du coronavirus. Il faut rester flexible. » En dehors de la VUB, Serge Gilen trouve son équilibre dans le karaté. « Je pratique depuis 39 ans, j’enseigne depuis 25 ans et je suis président de Karate Vlaanderen. On y développe une grande compréhension de la nature humaine. Le karaté apprend à écouter, à observer et à respecter. C’est une aide précieuse dans toute médiation de conflit. Cela apporte du calme, de la concentration et de la confiance en soi, autant de qualités que j’applique dans mon travail. Je n’ai – heureusement - jamais eu à utiliser mon karaté au sens propre sur le campus », dit-il en riant.
Le fait d’avoir débuté sa carrière dans les TIC est un avantage. « En y repensant, j’avais le profil idéal à ce moment-là. J’ai dû me familiariser avec la gestion facilitaire et suivre une formation complémentaire, mais mon expérience IT m’a apporté une vision et une expérience différentes. En tant qu’analyste métier, j’ai pu analyser et optimiser les processus. Ma connaissance approfondie de la VUB était un atout supplémentaire. Après 20 ans, je connaissais bien son fonctionnement et j’avais noué de nombreux contacts. »
Serge Gilen souligne toutefois que la gestion facilitaire est un travail d’équipe, qui n’a cessé de croître au fil des ans. « Je peux compter sur une équipe d’une soixantaine de collaborateurs permanents, complétée par des partenaires externes pour la surveillance, le nettoyage et le support technique. Ensemble, nous sommes près de 200 personnes à faire fonctionner l’université au quotidien. Ce n’était pas le cas au début : avec une équipe plus restreinte d’une quarantaine de collaborateurs, nous gérions moins de services, de tâches et de mètres carrés. Aujourd’hui, nous gérons près de 700.000 mètres carrés répartis en 14 catégories d’espaces distincts. » Depuis quelques années, Serge travaille étroitement avec son bras droit, Yvette Coolen. « Nous formons presque un duo », dit-il en riant. « On ne peut tout simplement pas tout faire tout seul. »
Après trois décennies à la VUB, Serge Gilen porte un regard satisfait sur le passé, mais surtout tourné vers l’avenir. « Nous avons traversé une vague de numérisation. La prochaine étape est une gestion intelligente, avec les données, l’IA et la durabilité comme moteurs. » Sa mission demeure claire dans cette transition : « Créer un campus sûr, durable et accueillant où les étudiants et le personnel se sentent bien. C’est l’essence même de mon travail. La technologie est importante, mais l’individu reste au cœur de l’université. »
Parr Elke Lamens - photos Jean Cosyn